Le e-commerce en France représente près de 160 milliards d’euros en 2023 pour plus de 2 milliards de transactions en ligne et les ventes de produits et services sur Internet augmentent d’année en année.
Les places de marché ou marketplace, qui mettent en relation vendeurs et acheteurs en échange d’une commission, représentent une part non négligeable de ce marché et sont confrontées à des défis juridiques et réglementaires complexes, notamment en ce qui concerne l’encaissement pour compte de tiers.
> Quelles activités sont concernées ?
Un opérateur qui reçoit sur son compte des fonds qui ne représentent pas un paiement dont il est l’unique destinataire, et qui est tenu de reverser tout ou partie de ces fonds à un tiers agit comme un intermédiaire dans une opération de paiement intervenant entre un acheteur et un destinataire final.
L’activité d’encaissement pour compte de tiers est donc caractérisée dans les cas où il y a à la fois (i) une opération d’encaissement et (ii) une obligation de restitution intégrale ou partielle des fonds encaissés.
L’exemple des marketplaces est le plus classique : la plateforme reçoit le paiement d’un acheteur, sans qu’elle soit propriétaire, ni ne détienne, ni n’expédie le produit vendu, en vue de reverser ce paiement au vendeur.
Mais cela peut se produire dans divers contextes, tels que le financement participatif via une plateforme, les programmes de fidélité, les services de tiers payeurs ou encore les transferts d’argent.
Selon l’ACPR elle-même, l’activité d’encaissement pour compte de tiers n’est pas une qualification juridique en soi. Cependant, son analyse conduit souvent à la qualification de fourniture d’un ou plusieurs services de paiement de l’article L. 314-1 du Code monétaire et financier.
> Quels services de paiement sont susceptibles d’être fournis ?
Le schéma classique de l’encaissement de fonds pour compte de tiers, tel qu’il est effectué par une marketplace par exemple, comprend généralement le service 5 (b) « acquisition d’opérations de paiement » et le service 3 (c) « virement ».
Le Code monétaire et financier précise que le service 5 (b) « acquisition d’opérations de paiement » est « un service fourni par un prestataire de services de paiement convenant par contrat avec un bénéficiaire d’accepter et de traiter des opérations de paiement, de telle sorte que les fonds soient transférés au bénéficiaire ».
Ledit contrat doit être conclu entre le prestataire fournissant le service d’acquisition d’opérations de paiement et le bénéficiaire du paiement (et non le payeur) et la mise à disposition des fonds doit se faire immédiatement après que leur réception par l’opérateur.
> Cas d’usage marketplace : acceptation et encaissement des fonds pour le compte du vendeur.
Le service 3 (c) « virement » est un service initié par le payeur qui donne l’ordre à sa banque de créditer le compte de paiement d’un bénéficiaire par une opération ou une série d’opérations de paiement.
> Cas d’usage marketplace : reversements périodiques ou sur demande du vendeur des fonds disponibles sur son compte marketplace par virement sur son compte de paiement.
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> Quelles exemptions sont susceptibles de s’appliquer ?
Bien que satisfaisant à tous les critères énoncés ci-dessus, une opération peut échapper à la qualification de service de paiement lorsque celle-ci s’effectue du payeur au bénéficiaire, par l’intermédiaire d’une personne habilitée par contrat à négocier ou à conclure la vente ou l’achat de biens ou de services pour le compte du payeur uniquement ou du bénéficiaire uniquement. Cette personne habilitée agit alors en qualité d’agent commercial du payeur ou du bénéficiaire.
Néanmoins, la directive DPS 2 exclue explicitement du champ de l’exception les marketplaces qui agissent en qualité d’intermédiaires pour le compte à la fois d’acheteurs et de vendeurs et qui ne disposent pas d’une marge réelle pour négocier ou conclure l’achat ou la vente de produits ou de services.
Par ailleurs, aucun agrément n’est requis pour la fourniture de services de paiement fondés sur des moyens de paiement qui ne sont acceptés, pour l’acquisition de biens ou de services, que :
Cette exemption doit répondre à un certain nombre de critères.
Ainsi, l’ACPR estime qu’un éventail de biens ou de services est limité si ceux-ci appartiennent à une « thématique » commune ou qu’il existe un « lien fonctionnel » entre eux. Elle juge encore qu’un réseau d’acceptants est limité lorsqu’il existe une marque ou une enseigne commune entre ces personnes ou lorsqu’elles entretiennent des « relations commerciales étroites ».
> Quelles sont les obligations des entités exemptées ?
1. Déclaration annuelle
Bien qu’un établissement puisse bénéficier de l’exemption décrite ci-dessus, celui-ci devra adresser à l’ACPR une déclaration contenant une description des services proposés dès que la valeur totale des opérations de paiement exécutées au cours des douze mois précédents dépasse un million d’euros.
Une actualisation de cette déclaration doit être adressée chaque année à l’ACPR afin de justifier du respect des dispositions encadrant l’exemption d’agrément et de la sécurité des moyens de paiement émis et gérés par l’établissement déclarant.
2. Protection des fonds
Afin de préserver la sécurité des moyens de paiement et protéger leurs usagers, la réglementation exige des établissements, exemptés ou non, de sécuriser les fonds reçus de leur clientèle.
Deux méthodes sont possibles :
Néanmoins, les nouveaux acteurs concernés par cette obligation, notamment les marketplaces, rencontrent de plus en plus de difficultés à trouver des institutions prêtes à leur apporter la garantie demandée par la réglementation. Les offres sont soit limitées, soit onéreuses.
3. Informations des clients
L’ACPR recommande aux établissements exemptés d’agrément de mentionner explicitement dans leurs conditions générales le cadre réglementaire dans lequel ils opèrent.
Vous souhaitez en savoir plus sur les méthodes de cantonnement ?
> Les statuts soumis à agrément
La fourniture de services de paiement à titre de profession habituelle est strictement réservée aux établissements de paiement, établissements de monnaie électronique et les établissements de crédit agréés par l’ACPR.
Il possible de requérir un agrément simplifié lorsque le montant total prévisionnel des opérations de paiement ne dépasse pas trois millions d’euros par mois.
> Les statuts soumis à enregistrement
Lorsque le recours à un agrément n’est pas envisageable dans un premier temps, il est possible d’agir en qualité d’agent et ainsi de fournir des services de paiement au nom et pour le compte d’un établissement de paiement dans le cadre d’un mandat.
L’établissement mandant doit être établit en France ou dans un autre État membre de l’Union européenne et procéder à la déclaration de l’agent directement auprès de l’ACPR, ou de son autorité de supervision s’il est établi dans un autre pays que la France.
L’agent ne pourra en revanche fournir de services de paiement que dans les strictes limites de l’agrément de l’établissement de paiement mandant et pour les services pour lesquels il aura dûment été mandaté.
Vous envisagez de requérir un agrément ou un enregistrement auprès de l’ACPR ?
En conclusion, l’encaissement pour compte de tiers est un domaine juridique complexe qui nécessite une attention particulière. En comprenant les enjeux juridiques et réglementaires associés, les marketplaces peuvent naviguer en toute confiance dans ce paysage juridique exigeant.